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# Citoyenneté et gouvernance, partie 1
Ce premier volet du dossier « Citoyenneté et gouvernance » se penche sur **l’activité de l’État**. Il présente les enjeux généraux liés à la **numérisation de l’administration publique** et dresse un bref **état des lieux** de la situation en Suisse. Il aborde plus en détail les évolutions dans deux secteurs fondamentaux et transversaux de l’activité étatique : **l’état civil** (identité électronique) et l’appréhension des **territoires** (cartes et systèmes d’information géographiques). L’analyse se focalise ensuite sur **l’échelon urbain** pour discuter des évolutions ayant un impact sur l’administration des villes, en particulier la ***smart city*** et les **plateformes** numériques. ## Objectifs * Saisir l’impact profond du numérique sur l’action publique. * Comprendre que les enjeux qui sous-tendent la numérisation des administrations vont bien au-delà de considérations d’efficacité. * Prendre connaissance de l’histoire, du contexte et des spécificités suisses en matière de transformation numérique de l’État. * Explorer les diverses façons dont les dispositifs numériques s’articulent avec les politiques publiques. * Se familiariser avec le concept de *smart city*, son histoire et ses imaginaires. ## Enjeux ### 🖥️ Numérisation de l’administration **Dépasser les considérations d’efficacité** La numérisation de l’administration concerne tant les prestations publiques envers les individus ou entreprises (demandes de documents officiels, déclaration d’impôts, annonces de déménagement, inscription au registre du commerce, etc.) que l’organisation interne des services administratifs (numériser les documents et les procédures, utiliser des logiciels, automatiser des tâches, etc.). Le recours aux prestations administratives électroniques a connu un élan nouveau avec la pandémie de Covid-19 mais la numérisation de l’administration a démarré dans les années 1990 déjà. Il s’agit aujourd’hui d’une priorité importante pour l’Union Européenne : la numérisation des services publics et le développement d’infrastructures appropriées constituent deux des objectifs principaux de la [« Décennie numérique »](https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/priorities-2019-2024/europe-fit-digital-age/europes-digital-decade-digital-targets-2030_fr), un programme qui doit guider la transformation numérique de l’Europe à l’horizon 2030. Le numérique est largement considéré comme un moyen d’améliorer l’efficience de l’administration et l’objectivité des processus gouvernementaux. Il convient toutefois de garder à l’esprit qu’aucune technologie ne possède intrinsèquement ces qualités. Au-delà des intentions initiales, il est nécessaire d’analyser les choix qui ont guidé l’implémentation des solutions techniques, ainsi que les effets de ces dernières sur le travail gouvernemental. Ainsi, il apparait que la promotion du numérique a accompagné et favorisé l’adoption de la Nouvelle gestion publique (NGP ; *New Public Management*) au sein des gouvernements dès les années 1990. Nouvelle forme de management qui emprunte aux logiques libérales et économiques gouvernant le secteur privé, la NGP s’est appuyée sur les nouveaux dispositifs numériques de contrôle, de quantification et d’évaluation pour mettre en place des politiques de rationalisation budgétaire. Ces outils numériques ont généralement été instaurés sans résistance, en vertu de la modernisation des États. Ils ont participé à l’économicisation de la société, qui fait de la croissance économique l’objectif prioritaire du gouvernement. La productivité des services publics peut bien sûr se trouver améliorée par les outils numériques. Les Suisses citent le gain de temps et la flexibilité temporelle ou géographique comme principales raisons de l’usage des prestations étatiques en ligne[^1] . Toutefois, la gestion de l’administration publique ne relève pas uniquement d’enjeux d’efficacité. L’État est responsable de la gestion de domaines particulièrement importants de la vie collective et individuelle (le plus fondamental étant sans doute l’état civil). Le processus de numérisation de ses activités, qui touche par ailleurs tous les secteurs publics, présente par conséquent des enjeux politiques majeurs. En particulier, le développement de l’intelligence artificielle (IA) dans le cadre du service public pose de manière accrue la question de la gouvernementalité algorithmique[^2] . Que ce soit dans le domaine de **la justice** – avec des solutions de jurimétrie (aussi appelée « justice prédictive ») et l’essor des entreprises de *legal tech* – ou dans celui de **la santé** – avec la « médecine axée sur les données »[^3] (qui devient alors personnalisée, préventive, prédictive et participative) – l’IA implique une délégation algorithmique de la prise de décision qui, en devenant automatisée, opaque et supposément objective, risque de déposséder les citoyens de leurs moyens de recours et de déresponsabiliser l’État vis-à-vis de ses propres procédures et actions. La problématique est particulièrement délicate s’agissant du système juridique, puisque celui-ci constitue le garant de la bonne marche de nos sociétés et qu’il se trouve ébranlé, contourné, voire potentiellement substitué, par des algorithmes. Dans le domaine de **la sécurité**, le numérique est aussi venu enrichir les traces exploitées dans le cadre des investigations et amplifier leur importance pour le travail policier. Le modèle de la « police guidée par le renseignement », fondée elle-même sur les outils numériques d’analyse criminelle, s’est aujourd’hui imposé dans la plupart des forces de l’ordre suisses[^4]. En conséquence, les systèmes d’information policiers se sont considérablement développés et complexifiés. Ils se sont également interconnectés (notamment entre pays européens), pour favoriser la coopération policière nationale ou internationale dans un contexte de lutte contre le terrorisme, l’immigration ou la criminalité organisée. Une « raison d’Etat numérique »[^5] s’est ainsi instaurée ces vingt dernières années, privilégiant une logique sécuritaire du numérique au détriment d’autres impératifs démocratiques, à commencer par le respect de la vie privée. Les enjeux de la traçabilité et de la surveillance ne concernent donc pas uniquement les pays totalitaires ; les démocraties font également face à des dérives sécuritaires[^6]. Finalement, **l’éducation** constitue un autre champ d’action étatique profondément affecté par le numérique. Les enjeux ne sont toutefois pas nouveaux. Les « technologies éducatives » se sont en effet développées dès les années 1960, à mesure que les technologies de l’information et de la communication (TIC) se sont diffusées. Ces outils sont d’abord intégrés dans les écoles comme de simples supports additionnels d’apprentissage, dans une approche techniciste qui surestime leurs effets sur la motivation des élèves et l’efficacité de leurs apprentissages. Or, la recherche a depuis montré que les dispositifs numériques ne génèrent pas d’eux-mêmes automatiquement un meilleur apprentissage. Au-delà de la distribution de matériel informatique, l’enjeux est alors de ne pas substituer l’innovation technique à la pédagogie mais de créer des cadres d’accompagnement incluant le numérique et tirant parti de ses spécificités pour en faire de réels leviers d’apprentissage. Les enjeux se sont ainsi renouvelés au gré des innovations techniques pour inclure aujourd’hui des dimensions matérielles (équipement des écoles), pédagogiques (acquisition de compétences numériques tant par le corps enseignant que par les élèves ; moyens d’enseignement numériques) et organisationnelles (plateformes telles que Moodle ; communication avec les élèves ou parents). Plus récemment, il s’agit également de développer une approche réflexive sur le numérique, à l’image du projet d’Éducation numérique du canton de Vaud. **Numérisation de l’état civil : l’identité électronique** L’état civil, en permettant l’identification administrative de toute personne et son affiliation à un groupe juridique, constitue un domaine transversal et fondamental à l’activité de l’État. Il s’agit avant tout d’un montage juridique, qui cherche à documenter notre situation personnelle (nos origines, nos liens de parenté, notre âge, etc.) aux yeux du gouvernement. Le numérique a tout d’abord servi à renforcer la fiabilité de l’état civil, avec le développement des techniques biométriques. Ce faisant, il a posé les conditions d’un ancrage biologique de nos identités civiles. Des bases de données font désormais correspondre un individu à son matériel biologique numérisé. En Suisse par exemple, le passeport contient une puce sur laquelle figurent les empreintes digitales et une photographie du visage. Les autorités ne disposent alors plus seulement d’un numéro de référence pour établir l’identité des individus. Le processus de dématérialisation vient ainsi paradoxalement renforcer l’importance des corps dans la relation d’un individu avec l’administration. La numérisation de l’état civil concerne également la commande d’attestations en ligne, ce que les administrations suisses proposent déjà. Les documents sont toujours délivrés sous un format papier qui, avec les signatures manuscrites, présente depuis longtemps une qualité de garant dans le système complexe des administrations publiques. La situation est toutefois en train de changer avec le développement de [l’identité électronique (e-ID)](https://www.bj.admin.ch/bj/fr/home/staat/gesetzgebung/staatliche-e-id.html). Facultative mais clé de voûte pour les autres services numériques, l’e-ID permettra à tout individu d’attester son identité en ligne pour accéder à des prestations de l’administration publique. Les justificatifs numériques ainsi récoltés seront conservés sur smartphone, dans un « portefeuille » électronique. L’enjeu au cœur de ce projet, auquel on attribue par ailleurs l’échec de la première proposition d’e-ID en 2021[^7], réside dans le caractère régalien de cette activité. La première loi suggérait en effet de déléguer la délivrance des e-ID à des prestataires privés. Or, ceux-ci ne poursuivent pas les mêmes objectifs et intérêts que l’État. La population suisse a ainsi réaffirmé la légitimité exclusive de l'État à s’occuper de l’identité civile. Le nouveau projet prévoit que l’État émette lui-même l’e-ID et gère l’infrastructure nécessaire. En plus de la souveraineté, l’e-ID présente d’autres enjeux majeurs, relatifs à la protection des données et à la sécurité informatique. Le nouveau projet introduit à ce titre une innovation en termes de protection de la vie privée : le principe de minimisation des données, qui veut que l’on puisse choisir précisément la nature et le destinataire des informations à transmettre. Le cas de l’e-ID illustre bien la complexité de la numérisation des processus étatiques, qui viennent modifier en profondeur la configuration des services et des éléments de preuve sur lesquels ils reposent depuis des décennies. Le numérique est mobilisé pour simplifier le travail administratif et les services fournis à la population, mais le processus est susceptible de rebattre les cartes s’agissant des acteurs à impliquer et de leurs responsabilités respectives. ```{admonition} « État des lieux en Suisse » :class: hint Au niveau fédéral, la transformation numérique des services publics est l’objet de [la stratégie Suisse numérique](https://digital.swiss/fr/strategie/). Faitière, elle se veut donner un cadre aux acteurs de la société civile (cantons, communes, entreprises, scientifiques, etc.) tout en restant contraignante pour l’administration fédérale. La numérisation de l’administration est un chantier qui a démarré en 2008 avec la *Stratégie de cyberadministration suisse*, commune à la Confédération, aux cantons et aux communes dans le but de favoriser la collaboration à ces trois échelons. Le déploiement de cette stratégie a été assuré par l’organisme *Cyberadministration* suisse jusqu’en 2021, période à laquelle elle a subi une réorganisation, suite au constat d’un retard conséquent. La Suisse accuse en effet un taux de maturité inférieur à la moyenne européenne en matière d’administration numérique[^8], un résultat qui a surpris en raison des moyens financiers et techniques à sa disposition[^9]. Le gouvernement a alors créé [l’Administration numérique suisse (ANS)](https://www.administration-numerique-suisse.ch/fr/a-propos-de-nous/mission-und-zielsetzung/administration-numerique-suisse) afin d’accélérer ce processus. L’ANS est chargée de coordonner les acteurs aux différents échelons administratifs pour développer les infrastructures et services numériques de base, notamment l’identité numérique, la gestion des documents électroniques (services *cloud*) et des données, ainsi qu’un « canal numérique entre la population et l’administration ». Le numérique est ainsi convoqué comme un indicateur du développement et de la compétitivité des pays. Cela suppose qu’il est porteur de modernité et d’égalité, autrement dit qu’il existe une corrélation positive entre développement numérique et social. Il est important de relativiser de tels propos, car les bienfaits du numérique n’ont rien d’automatique. Avec l’émergence de la société de l’information, le numérique est surtout devenu une injonction (il est désormais problématique de ne pas être connecté). Même si la Suisse applique le principe *digital first*[^10](« priorité au numérique »), l’enjeu dépasse progressivement le problème de la connexion pour se centrer sur la maitrise des TIC. La numérisation croissante des services (publics comme privés) requiert désormais des citoyens une capacité à s’adapter à des technologies qui évoluent par ailleurs rapidement, une responsabilité qui est souvent reportée sur les individus. La numérisation reste un axe de développement important en Suisse à l’heure actuelle, comme en atteste le programme national de recherche [« Transformation numérique »](https://www.nfp77.ch/fr/HoiLjGrh6thLKeY8/page/le-pnr/portrait), qui doit s’étendre jusqu’en 2026. ``` ### 🛰️ Territoires : des cartes aux SIG, une nouvelle appréhension des territoires Les cartes constituent une autre base fondamentale et transversale de l’activité étatique. Elles sont un outil de connaissance et de pilotage important pour l’État. Au niveau politique, les cartes contribuent à concrétiser le territoire sur lequel une autorité gouverne, au point que l’on a tendance à confondre les deux, en prenant pour acquises les modalités d’affichage et de représentation embarquées dans les cartes. Numérique ou non, toute production topographique nécessite une étape de modélisation (plus ou moins explicite). Les cartes sont ainsi à la fois une projection et une réduction du territoire, dans le sens où elles le représentent sans jamais pouvoir en saisir tous les attributs (uniquement les plus pertinents en regard des objectifs et usages prédits). Dans leur déclinaison numérique, les cartes deviennent des systèmes d’information géographique (SIG) qui permettent de représenter toute donnée (liée à une géolocalisation) sur une image numérique du territoire, de façon plus ou moins agrégée et en couches combinables de manière diversifiée. Les SIG sont des modèles computationnels : ils incluent un niveau de formalisation qui rend les informations géographiques traitables par des ordinateurs, décuplant ainsi leur potentiel d’information. Celle-ci reste toutefois tributaire du processus de modélisation sous-jacent. Les cartes produites par des SIG ne sont ainsi pas plus objectives simplement parce qu’elles sont numériques. Il faut toujours garder à l’esprit qu’il y a eu une sélection et un traitement des données associées à ces systèmes. Les cartes ont toujours constitué des agencements de l’information puissants en termes décisionnels et collaboratifs. Leur déclinaison numérique amplifie ces capacités en les rendant dynamiques et en permettant de rapprocher des données variées. Les SIG augmentent aussi drastiquement le cercle des utilisateurs et bénéficiaires des cartes. C’est ce qui est mis à profit par l’administration fédérale suisse qui, dans le cadre de sa stratégie [*d’open government data*](https://www.swisstopo.admin.ch/fr/swisstopo/geodonnees-gratuites.html#50_1614093537580), met à disposition des [géodonnées de base](https://www.swisstopo.admin.ch/fr/geodonnees-et-applications) ainsi qu’un [visualiseur de cartes en ligne](https://www.swisstopo.admin.ch/fr/cartes-donnees-en-ligne/cartes-geodonnees-en-ligne/visualiseur.html). Des versions locales existent également, avec par exemple [le guichet cartographique du canton de Vaud](https://www.geo.vd.ch/) ou celui de la [Riviera](https://map.cartoriviera.ch/theme/cadastre?lang=fr&tree_group_layers_cadastre=&tree_group_layers_accrochage_dessin_mesure=&baselayer_ref=plan_cadastral&baselayer_opacity=0&map_x=2559050&map_y=1144190&map_zoom=1&tree_groups=cadastre%2Caccrochage_dessin_mesure%2Ccouverture_du_sol). Ces cartes peuvent renseigner à la fois sur le territoire (sites pollués, données géologiques, etc.) et sur l’activité de l’administration publique (transports publics, sites de dépistage du Covid, chantiers, infrastructures, etc.). Des applications telles que *Google maps* ou *Open Street Maps* sont en outre largement exploitées par des acteurs non gouvernementaux. La disponibilité des cartes numériques et des données publiques, ainsi que le développement de logiciels de visualisation et de traitement de données plus accessibles (même s’il reste un certain niveau de spécialisation technique à avoir), ont décuplé le nombre de cartes produites et publiées. Celles-ci peuvent présenter une nature contributive, comme dans le cas de la [*Humanitarian OpenStreetMap Team*](https://tasks.hotosm.org/about), qui se fonde sur le travail collaboratif des internautes pour créer des cartes en *open source* dans le cadre de projets humanitaires (suite à une catastrophe naturelle, par exemple). Ces cartes sont ensuite utilisées par les services publics ou humanitaires dans la gestion de la crise. Les cartographies peuvent également relever d’initiatives plus personnelles, à l’image de [*Mapping police violence*](https://mappingpoliceviolence.us/), créé par un *data scientist* pour dénoncer les violences policières aux USA. La démarche peut également émaner de journalistes, à l’instar du [*Forever Pollution Project*](https://foreverpollution.eu/), une investigation à large échelle impliquant 18 rédactions et résultant dans la publication d’une cartographie inédite des sites contaminés aux PFAS[^11]. Longtemps l’apanage de spécialistes en topographie, les cartes sont désormais réappropriées par des communautés (d’intérêt ou commerciales) selon des conventions qui leurs sont propres et qui ne rejoignent souvent pas les standards du domaine. Les représentations du territoire évoluent au gré de ces usages et ne relèvent ainsi plus de la prérogative des États. Celui-ci n’est donc plus le seul à contrôler l’image du territoire qu’il gouverne. Dans de telles initiatives, il reste difficile pour les individus de connaitre les méthodes de récolte et les limites des jeux de données travaillés, qui nécessitent par ailleurs souvent un important travail de mise à jour. Ces démarches sont ainsi exploratoires plus que scientifiques ; orientées vers l’action plutôt que vers l’analyse. Les cartes produites présentent également un caractère émergent et non figé. Elles ne visent plus uniquement à conserver la mémoire d’un territoire. Sous l’impulsion de ces évolutions, l’image traditionnelle du territoire telle que représenté par l’État se trouve enrichie, voire en concurrence, avec toute une série d’autres représentations. L’enjeu pour l’État devient alors de composer avec la multiplication de ces images en constante évolution. ### 🏙️ Le numérique urbain **Des villes *« intelligentes »* ?** La gestion des villes constitue un autre échelon de l’administration qui se trouve lui aussi profondément transformé par le numérique. Les villes doivent désormais être « intelligentes », en étant « connectées ». Une *smart city* promet une qualité de vie élevée en fondant sa gestion sur les technologies de l’information et de la communication. Le concept de *smart city* prend de l’essor dès la fin des années 2000 sous l’impulsion des grandes entreprises de l’informatique (IBM et Cisco notamment), qui y voient un moyen d’intégrer le marché du secteur public. Elles promeuvent un nouveau paradigme qui se fonde sur l’analyse et le croisement des données pour optimiser la gouvernance urbaine et la rendre plus efficiente. La façon d’implémenter cette vision a profondément évolué depuis ses origines. Les firmes ont d’abord développé des solutions *top-down*, sans consulter les institutions. Fondées sur des modèles déconnectés du fonctionnement des administrations, par ailleurs complexe et spécifique à chaque ville, ces premières solutions se sont avérées inapplicables et n’ont pas su générer les bénéfices escomptés. Les entreprises se sont alors réorientées stratégiquement pour développer des solutions en partenariat avec les acteurs urbains. De transversales (un même modèle pour tous les services publics), ces solutions sont également devenues sectorielles, pour correspondre à l’organisation de la gouvernance urbaine. Cette évolution montre à quel point toute solution technique, même innovante, doit pouvoir s’ancrer dans l’environnement pour lequel elle est conçue. Contrairement aux imaginaires véhiculés par le terme, les villes intelligentes sont rarement futuristes, ni construites en partant de zéro. Il s’agit plutôt d’interventions dans des villes existantes, chacune présentant des caractéristiques territoriales et institutionnelles propres. Il reste que la mobilisation de ce terme (par les entreprises de « *clean tech* » ou les communes elles-mêmes) tend souvent vers le solutionnisme technologique : le numérique est présenté comme une solution aux problèmes sociaux, économiques et environnementaux qui se posent dans les zones urbaines. S’agissant des enjeux de durabilité par exemple, l’innovation des *smart city* ne peut se limiter à une optimisation de l’efficience énergétique des villes. Elle devrait soutenir une discussion plus large sur la transformation urbaine et favoriser le débat public en vue d’une véritable transition écologique de la gouvernance[^12]. Or, les solutions actuelles présentées sur le marché ne servent pas à explorer une vision alternative de nos villes. Purement techniques, elles s’inscrivent au contraire dans une logique de promotion et de croissance économique qui sont contraires aux principes de la durabilité forte. Cela est d’autant plus problématique que les solutions mises en avant peuvent avoir des conséquences inattendues ou provoquer des effets rebonds[^13], et devenir ainsi contre-productives. **De nouveaux acteurs dans les politiques urbaines** Au-delà des *smart cities*, des initiatives indépendantes des autorités sont venues d’entreprises privées qui sont parvenues à modifier par elles-mêmes des pratiques urbaines, au point de déstabiliser profondément l’action publique. Il en va ainsi des plateformes telles que *Uber* et *AirBnB* qui, en s’imposant auprès de la population, sont devenues des actrices incontournables en matière de politique urbaine. Elles introduisent des perturbations importantes tant dans leurs domaines d’activité propres (mobilité, logement, etc.) que dans la nature même de l’emploi[^14]. Orientées vers l’action, elles sont particulièrement réactives et adaptables, contrairement aux administrations (et à leurs partenaires privés du numérique), qui doivent gérer d’importantes infrastructures. Si elles ont longtemps pu évoluer sans restriction, ces plateformes ont suscité d’importantes contestations ces dernières années, d’abord sociales (telles les manifestations des chauffeurs de taxi, qui accusent *Uber* de concurrence déloyale) puis juridiques. Celles-ci ont débouché sur des régulations qui visent à cadrer à la fois le champ d’action de ces plateformes et le statut des personnes qui travaillent avec. En Suisse, cette régulation s’opère à l’échelon des villes. La réponse des gouvernements urbains varie entre le laissez-faire (Zürich) et une régulation stricte (Genève), voire l’interdiction de certaines pratiques. Cette disparité s’explique par [plusieurs facteurs](https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/poi3.312), notamment l’intensité du problème et de la mobilisation sociale, ainsi que le niveau de régulation préalable des secteurs concernés. Initialement indépendantes des institutions, ces plateformes n’en ont pas moins été rattrapées par les pouvoirs publics au vu des enjeux majeurs qu’elles présentent. Cela passe toutefois toujours par la contestation populaire et de nombreuses batailles juridiques. Une approche qui fait écho au fonctionnement des entreprises du numérique, qui priorisent l’innovation et non le respect des régulations. En outre, et face à ces régulations, les plateformes misent désormais sur les instances publiques pour développer leurs activités. Certaines ont en effet réinscrit leur stratégie dans le contexte des politiques urbaines. *Uber* se propose ainsi d’« aider les urbanistes à moderniser les villes »[^15] en mettant l’analyse de leurs données à la disposition des services de transports publics (voir notamment leur service [*Uber Movement*](https://www.uber.com/ch/fr/about/?uclick_id=3db33da0-04e6-4390-b2d2-9d45e5a06876)). Ces diverses évolutions engendrent une articulation très hétérogène des dispositifs numériques avec les acteurs institutionnels. **Vers une politique urbaine contributive ?** Finalement, l’administration urbaine peut mobiliser le numérique pour adopter une politique contributive. Les citoyens ne sont alors pas réduits à des archétypes aux comportements figés et prédéfinis (modèle d’IBM à ses débuts) ou à une source de traces à exploiter (modèle des plateformes), mais sont considérés comme des acteurs urbains à part entière, possédant chacun une expérience propre de leur ville qu’il est enrichissant d’étudier. Les dispositifs numériques peuvent alors servir à collecter cette connaissance, voir fonder un travail collectif. En Suisse, une telle démarche se retrouve par exemple dans la plateforme [« Lausanne Participe »](https://participer.lausanne.ch/) ou le service [« Signal.Riviera »](https://www.signalements-riviera.ch/) du géoportail « Cartoriviera ». Dans cette configuration, le numérique urbain peut devenir démocratique, pour autant que d’autres conditions importantes soient respectées, telles que la protection des données ou l’usage de logiciels libres. Le numérique a ainsi été intégré à la vie urbaine d’une multitude de façons, qui révèlent autant de postures différentes quant à la citoyenneté et au rôle des régulations. Le processus de numérisation ne se limite pas à la *smart city*, terme qui renvoie lui-même à des pratiques qui ont profondément évolué. Une ville « intelligente » fait aujourd’hui surtout écho à la transformation numérique de son administration et de ses services. Elle est par ailleurs plurielle : elle n’existe pas sous un seul format mais est le résultat de choix éminemment politiques, en lien avec les spécificités de la ville elle-même (contexte socio-économique, histoire, localisation, régulations, etc.). La couche numérique des villes peut ainsi prendre des formes très variées, qui devraient être discutées dans l’espace public et intégrées aux politiques urbaines, puisque celles-ci ont la charge de garantir le bien commun. Que ce soit avec les *smart cities* ou les plateformes, nous avons vu que, loin de neutraliser les régulations locales, le numérique a fini par se trouver encastré dans les institutions. Il ne faut toutefois pas sous-estimer les perturbations qu’il a engendrées dans la vie publique, ni tomber dans l’illusion qu’il réglera les grands enjeux sociaux et démocratiques de notre temps, qui relèvent d’abord de décisions politiques. Il s’agit plutôt de penser le numérique, non pas comme un ensemble d’innovations techniques faisant table rase des infrastructures et institutions, mais comme une série de transformations, de réarrangements et de configurations des instances publiques ou de l’administration elle-même. ## Ressources * [Le livre Sociologie du numérique (2019) de Dominique Boullier](https://shs.cairn.info/sociologie-du-numerique--9782200624750?lang=fr) – chapitre « Sociologie politique du numérique ». * [Une discussion avec Antoinette Rouvroy](https://www.pointculture.be/articles/focus/gouvernementalite-algorithmique-3-questions-antoinette-rouvroy-et-hugues-bersini/) autour de la gouvernementalité algorithmique. * Un [débat](https://www.rts.ch/audio-podcast/2021/audio/le-grand-debat-refus-de-l-identite-numerique-le-numerique-fait-il-peur-25184750.html) analysant le rejet de l’identité numérique par le peuple suisse. * Pour approfondir sur la *smart city* : * [L’analyse d’Antoine Courmont](https://sciencespo.hal.science/hal-02186713v1/document), Où est passée la *smart city* ? Firmes de l’économie numérique et gouvernement urbain. * [Une intervention de Dominique Boullier](https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-alphabet-numerique/smart-city-3753555) sur la façon dont le numérique impacte l’urbanisme. * [Une émission retraçant les origines du concept, les visions et les projets qu’il porte](https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/soft-power/voyage-dans-le-monde-reve-des-smart-cities-5307250). ## Pistes pédagogiques ### Activité 1 : Systèmes d’information géographiques (SIG) **Objectifs** * Comprendre comment les SIG articulent des cartes et des données, ainsi que les choix qui fondent toute production cartographique * Saisir le potentiel informatif des SIG tout en conservant un regard critique sur leurs enjeux (méthodes de visualisation, indicateurs sélectionnés, limites des données, contextualisation, etc.) * Explorer l’offre cartographique mise à disposition par les autorités suisses
**A. Créer une cartographie** 🕑 45 min | ✍️ branché [*Magrit*](https://magrit.cnrs.fr/) est une application en ligne, open source (accessible sur [GitHub](https://github.com/riatelab/magrit)), créée par des institutions universitaires françaises (CNRS et Université Paris Cité). Elle permet de produire relativement simplement des cartographies, avec une interface qui accompagne les différentes étapes du processus et qui embarque déjà des fonds de cartes ainsi que des jeux de données (relatifs à la France). Il est également possible d’importer ses propres fichiers. Une [documentation](https://magrit.cnrs.fr/documentation.html) et des [tutoriels](https://magrit.hypotheses.org/category/tuto) permettent de se familiariser rapidement avec son fonctionnement et ses données. L’idée de l’exercice est d’accompagner les élèves dans la création d’une cartographie. Le but n’est pas tant de parvenir à la reproduire sans faute mais plutôt de comprendre le processus général, de la configuration du fond de carte à la sélection et visualisation des données. Les élèves devraient notamment parvenir à se familiariser avec les différentes couches, à afficher les données, sélectionner la bonne visualisation par rapport aux données à traiter, et comprendre comment lier la carte aux données pour que celles-ci apparaissent au bon endroit. Il s’agit de prendre conscience des possibilités ouvertes par le numérique (cf. section « territoires ») et de se confronter directement avec un SIG (simplifié). Dans un deuxième temps, il convient de prendre du recul par rapport à cet outil. En se frottant concrètement à la création d’une cartographie, les élèves peuvent mesurer l’ampleur et la complexité des choix à faire, que ce soit au niveau technique (système de projection utilisé pour la carte, son centrage, sa mise en forme, etc.) ou des données elles-mêmes (source, méthode de récolte, choix des indicateurs et calculs statistiques, type de visualisation, couleurs, niveau de granularité, etc.). On pourra également leur faire remarquer la facilité avec laquelle on a produit une cartographie sans réellement savoir ce qu’elle veut dire ni ce qu’on cherchait à explorer. Ainsi, les élèves comprendront mieux en quoi les cartographies sont des modélisations (donc le résultat de toute une série de décisions), dont le produit n’est qu’un possible parmi tant d’autres et qui doit par ailleurs s’inscrire dans une démarche analytique plus large pour avoir du sens. Les élèves pourront alors consulter la documentation pour retrouver les informations liées aux données utilisées, afin de mieux comprendre les cartographies produites et de fournir des contextes d’utilisation possibles. Y figurent également des explications et conseils sur les types de données, de couches et de représentations. Si les élèves parviennent à produire une cartographie, il peut finalement être intéressant de présenter leurs résultats afin de montrer la pluralité des solutions trouvées. Les élèves auront de plus l’opportunité d’expliciter leurs choix en « défendant » leur cartographie. ```{admonition} Note :class: note L’exercice est faisable avec des [fonds de cartes](https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/statistique-regions/fonds-cartes.html) et des [données suisses](https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques.html). Cela requiert toutefois une préparation conséquente en amont. Il reste cependant possible de montrer ces ressources aux élèves, qui pourront alors se faire une idée plus concrète des fichiers bruts. Ceux-ci peuvent d’ailleurs provenir de n’importe quelle source du moment que le format est pris en charge par le logiciel utilisé. Des cartographies sont également consultables dans la [galerie](https://magrit.hypotheses.org/galerie) de *Magrit*. ``` Voici quelques propositions de cartographies à créer avec les élèves ````{panels} :img-top: media/magrit1.png Une seule variable : densité de population mondiale par pays {download}`carte1 ` ---- :img-top: media/magrit2.png Deux variables : population par pays et « région macrogéographique » (Afrique, Amériques, Asie, etc.) {download}`carte2 ` ```` **B. Explorer les productions cartographiques de l’administration suisse** 🕑 45 min | ✍️ branché **Temps 1** Les élèves explorent [l’Atlas statistique de la Suisse](https://www.atlas.bfs.admin.ch/maps/13/fr/16894_72_71_70/26209.html). Pour faciliter cet exercice, il est possible de leur faire chercher des informations précises comme : * la population du canton de Vaud en 2021 ; * le canton avec le plus de musées ; * celui avec le plus de voitures). L’idée est de constater la diversité de l’information à disposition et l’efficacité des SIG pour représenter cette information. Ainsi, il y a des cartes pour tous les domaines d’activité (démographie, culture, transports, éducation, santé, etc.) et une multitude de façon de présenter l’information (couleurs, formes, nombre d’indicateurs présentés, etc.). Ce faisant, les élèves devraient également être en mesure de constater la complexité de ces productions. Il n’est en effet pas toujours simple de s’approprier ces informations en tant que non spécialiste : on ne connait pas le jargon (qu’est-ce que la « population résidente permanente » ?), ni les méthodes de récolte des données (donc leurs limites) ou les calculs. Ces informations sont disponibles dans l’atlas (dans l’onglet « informations ») mais il faut y consacrer des ressources importantes pour les rendre familières, sans toutefois avoir la certitude de les interpréter correctement. Ces cartes sont ainsi le résultat d’une série de choix (méthodes de calcul, sélection des données et des indicateurs, modes de visualisation de l’information, etc.) qui aboutissent à une représentation spécifique de la réalité.
**Temps 2** Les élèves répondent ensuite aux questions ci-dessous : a) Quelles sont les particularités de ces cartes par rapport à celles que l’on trouve sur Open Street Maps ou Google Maps ? ````{dropdown} Réponse Ce sont des cartographies, autrement dit des analyses spatiales : en plus d’afficher une représentation du territoire, elles contiennent une couche de données supplémentaires. Aussi, les finalités sont différentes : il ne s’agit pas de se repérer dans un territoire ou d’en conserver la mémoire, mais de trouver des informations, les utiliser à d’autres fins, qui sont très diverses, évolutives et orientées vers l’action. ```` b) Et par rapport à un atlas traditionnel (non numérique) ? ````{dropdown} Réponse Un atlas est un livre rassemblant des cartes géographiques qui contiennent des informations territoriales, géologiques, démographiques, économiques, linguistiques, etc. Dans leur version numérique, ces cartes sont interactives et dynamiques : il est possible de modifier les couches affichées (passer d’une vue par canton à une vue par commune, ou de paramétrer les éléments affichés dans l’onglet « couches ») ; des infobulles apparaissent lorsque la souris survole une zone géographique, affichant ainsi les données pour cette région. Il est également possible d’obtenir rapidement, via des liens hypertexte, des informations complémentaires sur les sources de données, les indicateurs, les méthodes de calcul, etc. ```` c) De telles cartes ne sont donc pas nouvelles. Comment le numérique a-t-il influencé leur développement ? ````{dropdown} Réponse La capacité de calcul des SIG améliore considérablement la production de ces cartes (calculs plus rapides, avec plus de données ; possibilité de basculer d’une visualisation à une autre, etc.). Les données à disposition sont également beaucoup plus nombreuses puisque récoltées par toute une série de dispositifs numériques. Les internautes peuvent aussi accéder librement, en ligne, à une grande quantité de données officielles. En Suisse, la plateforme [opendata.swiss](https://opendata.swiss/fr/) répertorie ainsi les données de l’administration publique. Le développement d’outils de SIG a simplifié la production des cartographies, qui n’est alors plus réservée aux spécialistes. Désormais, toute personnes disposant des capacités techniques peut les créer. Finalement, la diffusion de ces cartes s’est largement agrandie, puisqu’elles sont disponibles en ligne. ```` d) Que faut-il pour produire de telles cartes ? ````{dropdown} Réponse Un logiciel informatique de SIG. Au moins un jeu de données, qui sont géolocalisées (les données de géolocalisation peut être ajoutées après-coup, par la personne produisant la carte). Un fond de carte (disponible sur le portail de swisstopo par exemple). De manière importe, il faut également connaitre les objectifs de la carte : quelles informations on cherche à présenter ou à obtenir. Ces questions guident tout le processus d’analyse : la récolte des données, le choix des indicateurs, la représentation visuelle. ```` e) À quoi sert cet Atlas ? ````{dropdown} Réponse Il s’inscrit dans une politique [d’open government data](https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/services/ogd/strategie.html) : l’État publie des données d’intérêt public pour promouvoir la transparence, l’innovation et la participation citoyenne. Ces cartes peuvent être utilisées par des personnes, des associations, des services public ou des entreprises. Pour être véritablement utiles, elles doivent s’inscrire de manière pertinente dans un projet ; elles doivent venir informer des décisions. Mais elles ne remplacent pas une étude plus scientifique lorsque celle-ci est nécessaire. ```` ```{admonition} Note :class: note Cet exercice est également faisable avec [l’atlas politique de la Suisse](https://www.atlas.bfs.admin.ch/maps/12/fr/17404_17402_15863_259/26943.html), [l’atlas statistique des villes](https://www.atlas.bfs.admin.ch/maps/162/fr/17145_12156_12155_12154/26608.html), ou [le visualiseur de cartes de swisstopo](https://www.geo.admin.ch/fr/visualiseur-de-cartes/). ```` ### Activité 2 : *Smart City* 🕑 45 min | ✍️ branché **Objectifs** * Démystifier le concept de smart city * Identifier le solutionnisme technologique qui y est associé * Comprendre comment les villes suisses s’approprient ce concept et, plus largement, le numérique - pluralité : même si l’objectif est commun, chacune met l’accent sur divers éléments, en fonction de ses axes, institutions, ressources, profil, etc. * Identifier d’autres acteurs de la transformation numérique des villes **Temps 1** Dans un premier temps, et sans recherches préalables, discuter collectivement en demandant aux élèves : * Qu’est-ce qui définit une smart city ? * Que leur évoque ce concept ? Il s’agit d’explorer les imaginaires reliés à ce terme. Il n’y a donc pas de mauvaise réponse possible. Prendre note des descriptions et des références (films, livres, villes, expériences, etc.) fournies par les élèves. Demander ensuite aux élèves s'il y a des smart cities en Suisse romande ? Si oui lesquelles ? ````{dropdown} Réponse Plusieurs villes se réclament explicitement de cette démarche : [Pully](https://smart.pully.ch/fr/accueil/), [Neuchâtel](https://www.neuchatelville.ch/medias/actualites/detail/le-monde-de-linnovation-noue-un-partenariat-inedit-pour-developper-la-ville-de-neuchatel-en-smart-city) (+ article RTS, cf. aussi [article swissinfo](https://www.swissinfo.ch/fre/le-projet-de-smart-city-commence-%c3%a0-prendre-forme-%c3%a0-neuch%c3%a2tel/48097842)), [Genève](https://www.ge.ch/dossier/smart-city), [Gland](https://smartcity.gland.ch/). ````
**Temps 2** Par groupes, les élèves se renseignent sur une ville et remplissent le tableau ci-dessous, sur la base des questions suivantes : * Quelle vision de la smart city promeut la ville ? * Quels sont ses objectifs ? * Quels services ou domaines de l’action publique (mobilité, culture, etc.) sont-ils touchés par cette démarche ? * Avec quels partenaires (publics ou privés) la ville travaille-t-elle dans le cadre de son évolution en smart city ? * Noter quelques exemples de projets menés dans le cadre de cette démarche. | | Vision et objectifs | Services ou domaines concernés | Partenaires | Projet | |------------|---------------------|-------------------------------|-------------|--------| | Pully | | | | | | Genève | | | | | | Gland | | | | | | Neuchâtel | | | | |
**Temps 3** Chaque groupe présente le résultat de ses recherches à la classe. Confronter les imaginaires explicités en début de séance avec les résultats trouvés, pour mettre en évidence la vision futuriste et technophile portée par le concept de smart city.
**Temps 4** a) Qu'est-ce qui explique la diversité des solutions et des champs d'action des projets smart city d'une ville à l'autre ? ````{dropdown} Réponse La mobilisation transversale des TIC : La *smart city* touche une grande diversité de domaines de l’action publique. La pluralité des solutions implémentées : Même si les objectifs sont semblables d’une ville à l’autre, chacune met l’accent sur des éléments particuliers. Les projets sont d’ailleurs généralement initiés par les villes elles-mêmes ou des entreprises (ils n’émanent pas de la population). De plus, leur champ d’action varie largement : certains sont ciblés sur une problématique précise (éclairage public, circulation autour d’un carrefour, bâtiment connecté, etc.), alors que d’autres touchent plus largement au fonctionnement urbain (participation citoyenne, numérisation de l’administration, etc.). ```` b) Qu’en est-il des autres villes romandes ? Ne sont-elles pas smart ? ````{dropdown} Réponse D’autres villes mobilisent le numérique de façon semblable mais sans s’inscrire dans le concept de *smart city*. C’est le cas de [Lausanne](https://www.lausanne.ch/portrait/carte-identite/lausanne-et-la-transformation-numerique/a-propos/vision-et-principes.html) par exemple, qui parle de « transformation numérique ». Le terme de *smart city* a une définition très vague et n’est pas toujours utilisé pour décrire l’équipement numérique des villes. ```` c) Certaines *smart cities* disent vouloir appliquer une démarche « non technologique » ([Neuchâtel]()), qui « va au-delà de la vision purement technologique » ([Genève](https://www.ge.ch/dossier/smart-city)). Pourquoi est-ce nécessaire ? ````{dropdown} Réponse Il s’agit de ne pas tomber dans le solutionnisme technologique : les TIC ne peuvent pas, à elles seules, répondre aux problématiques urbaines plus générales. Elles ne peuvent pallier les inégalités ni compenser notre impact sur le climat. d) Pour étayer ce point, il est possible de développer l’exemple de la durabilité (cf. section « Des villes intelligentes ? »), qui est systématiquement citée dans les objectifs des smart cities. Dans ce cadre, les technologies pourraient devenir un levier de la transition écologique, à condition de ne pas se limiter au développement de solutions d’efficience énergétique (ce qui est le cas actuellement) mais d’opérer un véritable changement dans la gouvernance urbaine elle-même. Cette vision entre en tension avec les enjeux économiques liés au marché des solutions de smart city. ```` e) La transformation numérique des villes provient-elle uniquement des administrations ? Quels autres acteurs peuvent influencer la vie urbaine ? ````{dropdown} Réponse Des plateformes telles que Uber et AirBnB ont introduit d’importantes perturbations, dans les domaines du transport et du logement respectivement. Après des années de contestations sociale, elles font aujourd’hui l’objet de régulations. Celles-ci ne sont toutefois pas uniformes ne Suisse, mais à la discrétion des villes (cf. section « De nouveaux acteurs dans les politiques urbaines »). ```` [^1]: Administration numérique suisse. (2022). Etude nationale sur la cyberadministration 2022. [Accès ici.](https://www.administration-numerique-suisse.ch/application/files/3416/5216/3445/Etude_nationale_sur_la_cyberadministration_2022_compte_rendu.pdf) [^2]: Voir dossier [« IA et enjeux de l’automatisation 2 »](https://files.modulo-info.ch/enjeux-sociaux/ia-automatisation/IA-AutomatisationP2.pdf) [^3]: OFSP. (2017). Évolutions dans le domaine de la médecine axée sur les données ; enjeux et tâches pour l’OFSP. [Accès ici.](https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/medizin-und-forschung/biomedizinische-forschung-und-technologie/masterplan-zur-staerkung-der-biomedizinischen-forschung-und-technologie/personalisierte-medizin.html) [^4]: fedpol. (2019). Nouvelle stratégie du DFJP de lutte contre la criminalité 2020 – 2023. [Accès ici.](https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-77407.html) [^5]: Bigo, D. (2019). Beyond national security, the emergence of a digital reason of state(s) led by transnational guilds of sensitive information: the case of the Five Eyes Plus network. Research handbook on human rights and digital technology. [Accès ici.](https://didierbigo.com/wp-content/uploads/2020/07/Chapter-3.-wagner-bigo.pdf) [^6]: [Voir dossier « Vie privée et surveillance »](https://files.edunumsec2.ch/enjeux-sociaux/surveillance/surveillance.pdf) [^7]: La Loi fédérale sur les services d'identification électronique (LSIE) a été rejetée lors des votations du 7 mars 2021. [^8]: Union Européenne. (2022). eGovernment Benchmark 2022. Synchronising Digital Governments. [Accès ici.](https://www.administration-numerique-suisse.ch/application/files/9016/5900/4311/eGovernment_Benchmark_2022_-_Insight_Report.pdf) [^9]: Pardal, I. (2020). L’e-administration en Europe: À propos du retard de l’administration Suisse. Futuribles, 437, 89-96. https://doi.org/10.3917/futur.437.0089. [^10]: La démarche digital first accorde la priorité à l’usage de dispositifs numériques dans le fonctionnement administratif, tout en préservant des solutions non numériques. [^11]: Reprise par [Heidi.news](https://www.heidi.news/sante/voici-la-carte-des-sites-contamines-aux-pfas-en-suisse) pour la Suisse. [^12]: Recordon, J., Fragnière. A., & Niwa, N. (2022). Une *smart city* au service de la durabilité ? [Accès ici.](https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_9331543A3D28.P001/REF) [^13]: Un effet rebond, qui peut être direct ou indirect, se produit lorsque « l’amélioration de l’efficience d’utilisation des ressources, obtenue grâce à l’introduction d’une nouvelle technologie, mène […] à une augmentation de la consommation totale » (ibid, p. 32). Ainsi, les économies d’énergie ou de ressources réalisées par une innovation technique peuvent se trouver contrées par une adaptation des comportements de consommation qui en découlent. [^14]: Il existe un flou juridique sur le statut des personnes travaillant pour ces plateformes, qui ne sont pas tout à fait salariées ni indépendantes, et bénéficient alors de très peu de protection sociale. [^15]: *Uber Technologies* Inc. (2023). Communauté | Soutien aux villes. [Accès ici.](https://www.uber.com/ch/fr/community/supporting-cities/?uclick_id=3db33da0-04e6-4390-b2d2-9d45e5a06876)