Économie du numérique


Ce chapitre propose un éclairage sur l’économie du numérique à travers quelques questionnements : En quoi l’acronyme «GAFAM» est-il pertinent? Quelles sont les logiques d’expansion des plateformes numériques? Que nous apprend le concept d’économie de l’attention?

Objectifs

  • Prendre conscience de la diversité des modèles économiques du numérique

  • Comprendre les grands principes qui ont favorisé l’expansion des plateformes

  • Saisir les ressorts et les limites de la notion d’«économie de l’attention»

Enjeux


📈 Au-delà des "GAFAM"

En une quinzaine d’années, les fondements culturels d’Internet ont été ébranlés. Le projet d’un espace numérique commun, ouvert et décentralisé, tel qu’imaginé par les pionniers du réseau, ne semble aujourd’hui plus qu’un rêve lointain. L’une des caractéristiques de ce changement réside dans la montée en puissance de quelques grands acteurs qui ont imposé leurs logiques commerciales et remplacé les standards ouverts par des environnements fermés et propriétaires. La décentralisation, pourtant au fondement du réseau, ne s’observe plus dans les pratiques, toujours davantage concentrées autour de quelques entreprises. Parmi celles-ci, cinq font l’objet d’une attention médiatique et politique particulière.

Aux premiers rangs des capitalisations boursières, ces sociétés sont couramment regroupées sous l’acronyme «GAFAM» (pour Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft). Fréquemment mobilisé dans les médias, ce terme est utile pour comprendre ce qui est commun à ces entreprises, entre autres : une puissance financière sans précédent, la domination d’un secteur, le recours à l’optimisation fiscale, ou encore la quasi-absence de régulation. Cependant, d’une part, ces caractéristiques ne sont pas uniquement spécifiques aux GAFAM et concernent également d’autres industries ; d’autre part, l’acronyme GAFAM constitue un raccourci parfois un peu rapide, masquant la complexité des logiques qui guident ces entreprises. Afin de mieux comprendre leurs enjeux, il est tout d’abord important d’identifier ce qu’elles sont et ce qu’elles font.


Ce bref aperçu témoigne de la diversité des modèles économiques des GAFAM. A noter que la vente de publicité ciblée, souvent associée à ces entreprises, concerne avant tout Google et Facebook. Par ailleurs, d’autres modèles économiques existent, tels que les services qui prélèvent une commission sur les transactions (Uber, Airbnb, Booking.com) ou encore les plateformes qui fonctionnent sur un principe d’abonnement (Spotify, Netflix).

🌀 Les dynamiques des plateformes

Si l’exploitation massive des données ne concerne pas l’ensemble des entreprises du numérique, toutes ont cependant compris la valeur des traces pour développer leurs activités et pour proposer aux utilisateurs des produits ou services personnalisés. Ces recommandations «sur-mesure», rendues possibles grâce au traitement algorithmique des données, sont particulièrement utiles dans un contexte où les plateformes concentrent un nombre toujours plus important d’informations. Elles s’affirment comme le principal intermédiaire permettant à l’utilisateur de s’orienter parmi une offre pléthorique. Les plateformes ont tout intérêt à effectuer un tri pertinent, afin de proposer un contenu susceptible de satisfaire l’usager et ainsi gagner son adhésion à long terme.

Par ailleurs, attirer et garder l’utilisateur captif est d’autant plus important pour les plateformes qu’elles bénéficient des “effets de réseau” : plus une plateforme compte de membres, plus elle en attire de nouveaux. Son attractivité et sa valeur grandissent à mesure que son nombre d’utilisateurs croît. Si tous nos amis sont actifs sur Instagram, il semble difficile d’opter pour un autre réseau social. Cet effet de réseau est particulièrement puissant dans le cas des services numériques car, contrairement à une entreprise classique, les coûts de transaction (comme la recherche d’informations ou la mise en relation entre services, clients et prestataires) sont fortement réduits.

Un autre effet important est celui des «économies d’échelle». Ce principe veut que le coût unitaire de production d’un bien baisse à mesure que les quantités produites augmentent. Ces logiques, déjà présentes dans de nombreux secteurs économiques, sont considérablement augmentées grâce aux possibilités offertes par le numérique. Si la reproduction et la distribution d’un livre, d’un journal ou d’un CD implique un coût (certes, toujours dégressif), la duplication et le partage de leur version numérique n’engage que des frais négligeables. Il en va de même pour tous les biens immatériels.

Dans un contexte où les effets de réseaux sont cruciaux et les économies d’échelle considérables, la gratuité joue un rôle central. Celle-ci permet notamment de constituer rapidement une base d’utilisateurs. Mais elle a également ses revers : des services en apparence gratuits se paient par la collecte de données personnelles, tandis que les producteurs de contenus voient leurs créations exploitées sans parvenir à obtenir une (juste) rémunération.

La combinaison de ces différents facteurs (effets de réseau, économies d’échelle, gratuité) favorise des situations de monopoles, telles que nous les voyons se déployer aujourd’hui. L’expansion de Google est l’illustration emblématique de ce mécanisme. L’entreprise propose des services gratuits et personnalisés qui deviennent à la fois plus performants et attractifs (aussi bien pour les internautes que pour les annonceurs) à mesure que le nombre d’interactions croît. Les données collectées nourrissent toute l’offre de services, tandis que le coût par utilisateur supplémentaire est quasi nul. Il s’agit d’un cercle vertueux dans lequel l’attractivité et la valeur de l’entreprise augmentent simultanément.

Une fois ce processus engagé, il devient difficile pour des offres concurrentes d’émerger. Ainsi, selon le principe du winner takes all, chaque secteur tend à être dominé par une seule entreprise qui rachète ses concurrents à mesure de son expansion. Ces entreprises deviennent incontournables, tant pour les clients que les prestataires. Par exemple, il est presque impossible pour un hôtel de se passer d’un référencement sur Booking.com, tout comme un petit vendeur indépendant peut difficilement éviter de proposer ses produits sur Amazon.

Ubérisation

L’ubérisation, dont le nom provient de l’entreprise Uber, est un processus économique qui vise à contourner le fonctionnement classique d’un secteur en créant un nouvel intermédiaire via une plateforme numérique. Celle-ci met en relation clients et prestataires tout en prélevant une commission sur les transactions. Si les services «ubérisés» offrent des prestations flexibles à moindre coût, ce changement de modèle passe par une stratégie de développement agressive dans un cadre légal peu clair. Dans le cas d’Uber, le modèle implique la participation de travailleurs au statut précaire, considérés comme «indépendants» et pourtant soumis aux exigences de la plateforme. Le statut légal de ces pratiques est aujourd’hui remis en cause dans plusieurs villes, dont Genève, qui a imposé en 2020 à Uber Eats de salarier ses travailleurs.

Face à ces pratiques, les États peinent à s’accorder et les régulations demeurent peu contraignantes. Ce cadre juridique flou témoigne également d’une forme de fatalisme face au numérique. En effet, la précarité, la financiarisation ou la captation des données sont souvent pensés comme inhérentes au développement des technologies. Il apparaît donc nécessaire de souligner que la technique ne contient pas en elle-même un modèle organisationnel ou économique particulier. Pour des plateformes comme Google ou Facebook, ces outils technologiques constituent des moyens d’atteindre des objectifs commerciaux. Mais ce n’est pas la seule voie possible. Il existe en effet des services numériques dont les motivations se situent en dehors de ces logiques financières

Ainsi, il faut rappeler que le Web n’a pas toujours été régi par des principes marchands (👉voir dossier “Histoire d’Internet et du web” ) et l’esprit de collaboration et de partage qui caractérisait les premières communautés en ligne n’a pas disparu. Comme le défendent les tenants du mouvement du logiciel libre, la mise en réseau des individus peut également mener à la création de biens communs. En ce sens, le succès de Wikipédia est la démonstration qu’une alternative au modèle des plateformes est possible (👉 voir fiche “Wikipédia”).

Toutefois, la frontière entre ces deux logiques est parfois difficile à tracer, comme en témoigne l’utilisation souvent peu claire du terme «économie du partage». Désignant à l’origine des initiatives citoyennes et collaboratives tournées vers la création de biens communs, la notion est désormais réinvestie par des services commerciaux, tels que Uber, dont le mode de fonctionnement et les objectifs n’ont plus rien à voir avec ces principes. Le concept collaboratif et gratuit de couchsurfing, par la suite repris par Airbnb, illustre également ce processus.


👁️ Une économie de l'attention?

Dans ce marché mondial des données, l’attention est un bien rare et convoité. Ainsi, chacun des grands acteurs du numérique tente d’amener l’internaute sur ses plateformes et le rendre captif de ses services. La notion de rareté de l’attention n’est cependant pas nouvelle. Traditionnellement, c’est la publicité qui tentait d’attirer l’attention du public vers un produit ou service. Avec le numérique, cette quête du “temps de cerveau disponible”[1] est amplifiée car il est désormais possible de capter, calculer et monétiser les “traces d’attention”.

Les applications sont alors pensées dans le but de retenir l’utilisateur le plus longtemps possible. Les pastilles rouges des notifications, les likes, les systèmes auto-play de YouTube ou Netflix (qui relancent une vidéo sans notre consentement), ou encore le scroll infini sont autant d’incitations à maximiser le temps passé en ligne. Ces astuces de conception jouent sur des ressorts émotionnels : besoin de récompense immédiate, quête de reconnaissance, attraction pour la nouveauté, peur de passer à côté de quelque chose… Ces tactiques semblent d’autant plus efficaces qu’elles peuvent être finement ciblées et personnalisées.

Mais ces leviers psycho-cognitifs suffisent-ils à expliquer le succès des plateformes? Bien que ces mécanismes contribuent à orienter les comportements, l’attraction des services numériques ne saurait être uniquement le résultat de stratégies de captation de l’attention. Si les plateformes parviennent à attirer un nombre important d’utilisateurs, c’est avant tout grâce à leur position centrale et à leur capacité à réunir une multitude d’usages (communiquer, s’informer, se divertir, jouer, etc.).

En ce sens, il apparaît nécessaire de questionner certains discours médiatiques autour de la question des pratiques numériques - en particulier chez les jeunes - qui se résument souvent à un message alarmiste centré sur la notion de «temps d’écran». Ce point de vue ne permet pas de considérer le rapport à la technologie autrement qu’au travers du prisme de l’addiction.

Pourtant, les activités en ligne ne sont pas nécessairement synonymes de temps perdu et il est important de comprendre de quelle façon elles s’inscrivent dans des pratiques sociales. Jouer en ligne, échanger des informations via les réseaux sociaux ou créer une vidéo ne peut être assimilé à du temps perdu. L’idée qu’il existerait une distinction et, par extension, une hiérarchie, entre «vie réelle» et «vie virtuelle» est largement remise en question par les travaux récents en sciences sociales. Toutes ces pratiques numériques font partie intégrante de la vie en société.

[1] Déclaration par Patrick Le Lay (ex-PDG du groupe TF1) en 2004 : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible »

Ressources

  • Un article qui discute la pertinence de l’acronyme «GAFA» (Numérama))

  • Le livre Culture numérique(2019) de Dominique Cardon – chapitre 5, “L’économie des plateformes”

  • Le livre Les fins d’Internet (2014) de Boris Beaude – chapitre 4, “De la gratuité à la propriété”

  • Le livre Pour une écologie de l’attention de Yves Citton (2014)

  • Le livre Comment sortir de l’emprise des réseaux sociaux (2020) de Dominique Boullier

  • La mini-série documentaire «Les invisibles » (France TV), qui fait met en lumière les travailleurs des plateformes (livreurs Uber Eats, «travailleurs du clic», modérateurs)

  • Un reportage radio (RTS) sur les conditions de travail des chauffeurs Uber

  • Un podcast qui déconstruit les discours alarmistes autour des écrans chez les jeunes (“Sommes-nous vraiment en train de fabriquer des “crétins digitaux” ? », Le Code a changé, France Inter)

Glossaire

  • Algorithme

  • Plateforme

  • Économie d’échelle

  • Effet de réseau

  • Ubérisation

  • Biens communs

  • Économie de l’attention

Fiches complémentaires




Pistes pédagogiques


1. Au-delà des GAFAM

Objectif : Prendre conscience de la diversité des modèles économiques du numérique


A. Que cache la notion de «GAFAM»?

🕑 30 min | 👩‍💻 branché

Proposer aux élèves de faire une recherche en ligne du terme «GAFAM» (ou «GAFA»). En petits groupes, ils et elles prennent des notes afin de pouvoir répondre aux questions suivantes : Qui sont les «GAFAM»? Que leur reproche-t-on? En quoi se différencient-elles?

Note

Pour guider leur recherche, on peut suggérer aux élèves les articles suivants:

Par oral, mettre en commun les réponses des différents groupes et apporter des précisions:

a) Qui sont les “GAFAM”?

Réponse

Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft

b) Que leur reproche-t-on?

Réponse
  • une position dominante dans l’industrie du numérique

  • des pratiques anticoncurrentielles

  • des tactiques visant à “enfermer” l’utilisateur dans un environnement

  • une collecte massive de données (concerne surtout Google et Facebook)

  • des pratiques d’optimisation fiscale à large échelle

Préciser que la plupart de ces caractéristiques ne sont pas exclusivement propres au numérique.

c) En quelques mots, quel est le modèle économique de chacune de ces entreprises?

Réponse

Voir paragraphe “au-delà des GAFAM”.

d) A votre avis, est-il pertinent de réunir ces cinq entreprises sous un même terme?

Réponse

Si le terme «GAFAM» peut être utile pour comprendre certains points communs à ces entreprises (cf. question b), il pose également problème, car il efface les logiques spécifiques à chacune de ces entreprises. En effet, celles-ci ont une histoire, un modèle économique, une culture et des enjeux propres. Par exemple, la question de la captation des données concerne avant tout Google et Facebook. Apple, qui vend avant tout du matériel informatique et ne commercialise pas les données des utilisateurs, se positionne ainsi comme défenseur de la vie privée. Ainsi, les enjeux politiques et les problématiques que pose leur régulation ne sont pas les mêmes pour chacune de ces entreprises. Connaître leurs spécificités permet de proposer une politique adaptée.

Activité complémentaire

Demander aux élèves de lister 3 applications ou services en ligne qu’ils utilisent/connaissent, puis d’identifier leurs principales sources de revenus. Compléter les réponses des élèves en présentant les modèles économiques de quelques applications les plus populaires.

Quelques éléments de réponse
  • Facebook / Instagram / Snapchat / Twitter / Pinterest : La majorité des réseaux sociaux ont adopté un modèle économique qui repose sur la vente d’espaces publicitaires. En apparence gratuits, ces services sont néanmoins “payés” par leurs utilisateurs, qui transmettent de nombreuses données qui permettent aux plateformes de vendre à des annonceurs des audiences ciblées.

  • YouTube : A l’origine entièrement gratuite, la plateforme de vidéos propose désormais une double offre : gratuite ou payante. YouTube se situe donc à l’intermédiaire entre les réseaux sociaux gratuits et les offres de divertissement basées sur un principe d’abonnement.

  • WhatsApp : L’entreprise, qui appartient à Facebook depuis 2016, n’est pas monétisée. Auparavant facturée 1 dollar par année, l’application est maintenant gratuite et sans publicité. Mais, début 2021, WhatsApp a annoncé de nouvelles conditions d’utilisation qui vont permettre à Facebook d’utiliser les données issues de l’application. Son modèle économique pourrait donc évoluer.

  • TikTok : En 2020, TikTok possède 2 sources de revenus : la publicité et surtout, les achats intégrés à l’application. Ces derniers s’effectuent au travers d’une monnaie virtuelle, les “Coins” (pièces). Les utilisateurs peuvent acheter des crédits (100 pièces pour env. 1 Euro) et les utiliser pour différents services supplémentaires ou pour des “cadeaux” offerts aux influenceurs. Tiktok prélève une commission sur ces transactions (le pourcentage exact n’est pas connu).

  • Signal : Pour l’instant, le service de messagerie est financé par une fondation à but non lucratif. Il est axé sur la confidentialité et les données des utilisateurs ne sont pas commercialisées.

  • Telegram : D’abord entièrement gratuit et sans publicité, le service de messagerie a annoncé en 2021 développer une offre payante pour les entreprises et ainsi qu’une plateforme publicitaire.

  • Spotify / Netflix : Les plateformes liées à l’industrie du divertissement fonctionnent le plus souvent sur un principe d’abonnement. La stratégie consiste à offrir un premier mois gratuit ou un service réduit (avec publicités, par exemple) afin de convertir les utilisateurs à une version payante.

  • Uber, AirBnB : Ces plateformes se positionnent comme des intermédiaires entre le client et le prestataire de service. Elles prennent une commission sur les transactions qui s’effectuent entre les deux parties


B. Comprendre le modèle de Google

🕑 30 min | 👩‍💻 branché

En guise d’introduction, demander aux élèves :

a) Qu’est-ce qu’un moteur de recherche?

Réponse

Un moteur de recherche est une application web qui permet de trouver des ressources en ligne (pages web, images, vidéos, articles, logiciels, etc.) au travers d’une recherche par mots-clés et selon différents paramètres déterminés. Il tente de fournir à l’utilisateur la réponse la plus pertinente à sa requête. Sans moteur de recherche, il faudrait connaître l’adresse précise d’un site pour y accéder.

b) Quel moteur de recherche utilisez-vous ?

Il est très probable que la majorité des élèves réponde «Google». Dès lors, on peut suggérer les questions suivantes :

c) Quel est le modèle économique de Google?

Réponse

Lorsque l’on fait une recherche en ligne, deux grandes catégories de résultats sont proposées :

a. Les résultats dits «naturels» qui apparaissent avant tout grâce à la pertinence entre leur contenu et le mot-clé introduit.

b. Les résultats issus du «référencement payant», soit des annonces mises en avant car un annonceur a payé pour que, lorsqu’un certain mot-clé est inséré, son lien apparaisse en haut des résultats. La place effective des annonces repose sur un système d’enchères en temps réel qui détermine quelle annonce est affichée selon de multiples paramètres (pertinence avec le mot-clé, montant investi, zone géographique, heure, etc.), afin de proposer à l’internaute les liens commerciaux sur lesquels il est le plus susceptible de cliquer.

Le ciblage publicitaire s’effectue également au travers des très nombreux sites web qui affichent des annonces gérées par Google en échange d’une rémunération (via la régie publicitaire Adsense). Google se positionne donc comme un intermédiaire qui fait se rencontrer la demande de mots-clés et l’offre d’espace publicitaires.

d) Comment Google est-elle devenue une des entreprises les plus riches au monde, alors que ses services sont gratuits?

Réponse

L’objectif de Google n’est pas de vendre des produits ou services aux internautes mais de recueillir le plus grand nombre de traces concernant leur profil et leur comportement (notamment au travers de sa régie Doubleclick) afin de proposer à des annonceurs des espaces publicitaires ciblés, L’entreprise a donc intérêt à offrir des services gratuits afin de maximiser le nombre d’utilisateurs et d’interactions sur toutes ses plateformes (Gmail, Chrome, Google Maps, YouTube, etc.). Par ailleurs, plus ces services comptent d’usagers, plus ils deviennent attractifs et performants, à la fois pour les utilisateurs et les annonceurs. C’est ce cercle vertueux qui a permis à Google d’occuper une position dominante. Une fois cette place acquise, il devient difficile pour un concurrent d’émerger.

A noter toutefois que les recettes de Google proviennent avant tout de la vente de mots-clés associés à des profils. Ce sont ces mots-cles qui permettent de déterminer au mieux l’intention de l’internaute et de proposer un espace publicitaire pertinent. Le profilage de l’utilisateur est donc moins nécessaire pour Google que pour d’autres plateformes, telles que Facebook. C’est également la raison pour laquelle Google peut envisager certaines mesures en faveur de la protection de la vie privée.

e) Si Google représente plus de 90% des parts de marché dans le domaine des moteurs de recherche, des services concurrents existent. Proposer aux élèves, en petits groupes, de rechercher des alternatives à Google et déterminer quels sont leurs modèles économiques et leurs spécificités.

Réponse

Bing : Élaboré par Microsoft, il est le deuxième moteur de recherche après Google (environ 2-3% de part de marché). Bing vend des espaces publicitaires ciblés et collecte donc les données de ses utilisateurs. La portée de ce traçage est toutefois moins importante que celle de Google, qui dispose d’une infrastructure plus importante. Bing fournit aussi ses services de recherche et publicité à d’autres sites et applications partenaires.

Qwant : Moteur de recherche français axé sur le respect de la vie privée, Qwant affirme ne pas pister ses utilisateurs et proposer des résultats de recherche non personnalisés. Si le moteur est financé par la publicité, celle-ci serait basée uniquement sur le mot-clé recherché par l’internaute et non sur des informations liées à son profil. Qwant est cependant régulièrement pointé du doigt pour son partenariat avec Microsoft et son moteur de recherche Bing, dont sont issus une large part des résultats. Malgré un important soutien politique de l’État français et un chiffre d’affaires en progression, Qwant était encore déficitaire en 2020.

DuckDuckGo : Meta-moteur qui agrège les résultats de nombreux moteurs de recherche, dont Bing. Comme Qwant, DuckDuckGo ne propose pas de résultats personnalisés selon le profil des utilisateurs et se positionne comme défenseur de la vie privée. Son financement repose également sur la publicité non-ciblée. Selon DuckDuckGo, il n’est pas nécessaire de «pister» les internautes pour leur proposer des résultats pertinents. Depuis l’éclatement du conflit entre la Russie et l’Ukraine au printemps 2022, DuckDuckGo a suspendu ses relations avec le moteur de recherche russe Yandex.

Ecosia : Moteur de recherche allemand qui investit 80% de ses bénéfices dans des projets de reforestation, principalement en Amérique du sud et en Afrique. Les résultats du moteur de recherche et les annonces sont générés par Bing. Ecosia reverse un pourcentage de ses gains publicitaires à Microsoft.

Activité complémentaire (🕑 20 min)

Le chercheur de l’EPFL Frédéric Kaplan parle de «capitalisme linguistique» pour décrire ce système d’enchères. Selon vous, que signifie cette notion?

Réponse

Google a créé un véritable système de monétisation du langage. Si chaque requête sur le moteur de recherche génère une enchère, on peut imaginer l’ampleur des gains obtenus. Le prix des mots peut varier selon différents facteurs, tout comme le cours d’une action en bourse. Il s’agit d’une forme de spéculation sur le langage dont Google contrôle l’ensemble des paramètres.

Lors de sa campagne pour l’élection présidentielle américaine 2020, le candidat démocrate et milliardaire Michael Bloomberg a dépensé des millions de dollars pour acheter aux enchères de Google le mot «climat» et de nombreux autres termes relatifs au réchauffement climatique.

Quel était l’objectif du candidat?

Réponse

Michael Bloomberg souhaite investir le créneau écologique et ne laisser, sur cette question, aucune visibilité en ligne à d’autres candidats.

Cette stratégie permet-elle réellement à Michael Bloomberg de rediriger tous les résultats de recherche sur la question climatique vers son site?

Réponse

La stratégie de Michael Bloomberg ne lui permet en réalité qu’une visibilité partielle, car elle ne concerne que les résultats payants. L’achat de mot-clé n’a pas d’influence sur le référencement naturel, davantage basé sur des critères de pertinence. On peut ainsi estimer que l’achat de mots-clés est nécessaire lorsque le site en question n’est pas suffisamment pertinent pour apparaître naturellement dans les résultats de recherche.

On peut ainsi estimer que l’achat de mots-clés est nécessaire lorsque le site en question n’est pas suffisamment pertinent pour apparaître naturellement dans les résultats de recherche.

Quel bilan peut-on tirer de cette stratégie?

Réponse

Malgré le déploiement de moyens considérables, cette stratégie n’a pas permis à Michael Bloomberg d’être élu à la primaire démocrate. Si son échec est certainement dû à de multiples facteurs, l’achat massif d’espaces de publicité en ligne n’aura pas permis d’inverser la tendance. L’efficacité de ce type campagnes en ligne doit donc être relativisée.